Résumé de la rencontre
Philosophe de formation et professeur à la retraite depuis environ 5 ans, monsieur Pelletier avoue souffrir d'une curiosité pathologique. L'univers des médias, des arts, de la gestion financière (en particulier les caisses de retraite) et de l'informatique le passionnent. La manipulation des individus et des foules, la dimension géopolitique globale, la mondialisation, la Finance (légale, et surtout illégale), la mafia, la corruption, la criminalité internationale, la science, les théories sur la naissance de la structure de l'univers sont autant de domaines qui suscitent son intérêt.
Jean Fugère avouait humblement se sentir très naïf lorsqu'il lisait les oeuvres de Jean-Jacques Pelletier. Les connaissances de ce dernier paraissent en effet découler de recherches ardues et pointues. Toutefois, monsieur Pelletier précise qu'il n'effectue pas de recherches intensives pour concevoir ses romans. Guidé par ses intérêts personnels, il se documente à chaque occasion et ses romans ne sont que le reflet de son expérience et de ses lectures.
Contrairement à que ce l'on pourrait croire, Jean-Jacques Pelletier n'écrit pas à prime abord pour informer ses lecteurs ou les rendre plus conscients des enjeux planétaires, mais plutôt par pur plaisir. Selon lui, de tout temps, la race humaine a utilisé la poésie, puis le théâtre, les romans et l'audiovisuel pour maîtriser, par l'imagination, les réalités qui pouvaient s'avérer dérangeantes. C'est ainsi qu'il voit son travail : il aide ses lecteurs à apprivoiser la peur. Ensuite, ils se font eux-mêmes leur idée sur la question et prennent leurs propres décisions. Toutefois, il remarque que sa vision est souvent contagieuse. Ses lecteurs ne voient plus le monde de la même façon et ils analysent davantage les informations qui leur sont communiquées par les médias. Le philosophe écoute d'ailleurs presque malgré lui les nouvelles à la télévision. Il engueule son poste devant les banalités qu'il diffuse. Les reporters qui déblatèrent des stupidités le frustrent.
Selon monsieur Pelletier, l'écriture, pour l'écrivain, représente surtout une exploration de la vérité, la création de liens entre les éléments. Elle permet aussi d'ébranler une certaine naïveté, de dégraisser le regard, de transformer des réponses toutes faites en questions qui font réfléchir. Le monde nous est donné par morceaux et nous basons trop souvent nos idées préconçues sur le peu d'informations que nous avons recueillies. De son côté, il choisit des morceaux qui aideront le lecteur à comprendre plus facilement le monde qui l'entoure.
L'auteur nous a soumis un exemple intéressant d'une logique d'intérêt : Admettons qu'une multinationale ait le choix entre investir dans la recherche pour guérir le Sida :
- En investissant dans un médicament qui, en une seule dose, guérirait l'utilisateur à vie
- En investissant dans un médicament qui soulagerait le malade de ses symptômes, mais qu'il devrait prendre jusqu'à la fin de ses jours
Quelle option croyez-vous que cette multinationale privilégierait? La réponse me saute aux yeux, mais je préfère ne pas la verbaliser...
Selon monsieur Pelletier, la pulsion de destruction qui anime les humains et leur trop grande intelligence en fait de super prédateurs qui détruiront tout avant que leur race ne s'éteigne. Peut-être ferons-nous preuve de résilience, à la toute fin, quand il sera presque trop tard ou, plus probablement, réellement trop tard.
Processus d'écritureLà, je sais que je vais rejoindre au moins Frédéric Raymond! Voici le processus d'écriture de Jean-Jacques Pelletier :
- Il se fait des fiches et décrit l'histoire de chaque personnage, même les personnages tertiaires.
- Pour L'Homme trafiqué : Il a fait des plans. Plusieurs plans. Son premier plan traçait les grandes lignes et lui a d'ailleurs donné d'autres idées pour la suite. Dans son deuxième, il a pris tous ses personnages et les a changés de sexe! (c.-à-d. : les hommes sont devenus des femmes et les femmes, des hommes!) Ce qui a apporté une dimension nouvelle à l'histoire.
- Dans ses plans, il ne va jamais trop loin dans ses idées, pour se laisser de la place pour la créativité. Par exemple, lors de l'écriture, il intègre des nouvelles de l'actualité.
- Exemple de plan : 1er plan = 4 pages. 2e plan = 15 à 20 pages, divisées par jour. 3e plan = Chaque jour est divisé en scènes principales. Selon lui, le plan aide à ne pas se perdre dans la scénarisation du roman. Cette étape est contraignante, il l'avoue, mais très libératrice aussi, car il peut se permettre d'être plus créatif ensuite.
- Aucun minimum ni maximum de mots par jour. Advienne que pourra! Toutefois, il écrit chaque jour, sa conjointe l'y oblige. Parce que sinon, ses personnalités multiples débordent dans la vie courante et elle ne s'y retrouve plus!
- Il n'écrit jamais, au grand jamais chez lui. Autobus, gare, cafés, restaurants et bars sont ses endroits de prédilection. L'écriture est un acte solitaire, mais il a besoin de sentir la présence des autres autour de lui.
- Il aime la collaboration avec son comité de lecteurs. Il découvre grâce à eux les failles et leurs questions l'aident énormément à avancer.
Les opinions de Jean-Jacques Pelletier sur...
- Les biographies : Il n'y croit pas. Elles sont souvent mensongères et ne dévoilent pas tout. Il préfère grandement les romans, car ils en révèlent davantage sur la véritable nature de l'auteur. On y voit les structures, les répétitions, qui tissent une trame très révélatrice.
- Son propre cynisme : Il ne se croit pas cynique. Simplement, pour lui, l'optimisme ne doit pas être la solution de la facilité. Il faut être lucide, sans toutefois sombrer dans la paranoïa. Les problèmes complexes pourraient trouver leur solution à long terme si la collectivité y mettait du sien. Cependant, l'individualisme qui prévaut, en occident plus particulièrement, exige des solutions simples, individuelles et à court terme. Une société de consommation, qui perd ses liens, qui veut tout, tout de suite, le meilleur, le plus gros. Les appartenances sont détruites et tout ce qui reste comme sens à donner à sa vie, c'est une fuite en intensité. Tant que nous ne nous mettrons pas ensemble pour arranger les choses, rien ne se règlera.
- Les nouvelles technologies : Selon lui, Internet, Facebook et livrel changeront énormément notre rapport face au monde, au livre et au mode de socialisation. Platon disait énormément de mal de l'écriture, car il craignait que nos têtes ne se vident, lorsque nous n'utiliserions plus autant notre mémoire. Il ne faut donc pas démolir les nouvelles technologies, car si elles amènent inévitablement des pertes, elles apportent aussi énormément à la société.
En terminant ce très long billet - désolée, cette rencontre fut si enrichissante que je voulais vous en livrer le plus possible et encore, je n'ai pas tout dit! - je vous invite à consulter le billet qu'Isabelle a écrit à ce sujet. Intéressant, de voir comment deux personnes (en l'occurrence trois, car Pierre aussi était présent) peuvent voir différemment le même événement!
Personnellement, j'ajoute "Écrire pour inquiéter et pour construire" de Jean-Jacques Pelletier, publié aux Éditions des Trois-Pistoles, à ma liste de lectures à venir. Et je lirai bientôt sa nouvelle Radio-Vérité, publiée dans Alibis #14, pour laquelle je me suis fait un devoir et un honneur de lui demander une dédicace!Pour le recensement des oeuvres de Jean-Jacques Pelletier et sa biographie, je vous invite à consulter son site internet.
16 commentaires:
Très bon résumé ma chère.
J'avoue que plusieurs éléments de ton résumé me son passé par la tête, mais j'ai omis volontairement de les mentionner pour te laisser la chance de compléter mon billet. Et si Pierre fait lui aussi son résumé, je crois que nos lecteurs auront vraiment une bonne vision d'ensemble de cette belle et enrichissante rencontre.
Ha oui, je crois qu'on peut s'inscrire à partir d'aujourd'hui pour les rencontres de l'hiver
Merci pour l'excellent résumé! Là dessus, tu m'as vraiment rejoint...
Très intéressant en effet :) J'ai eu la chance de discuter beaucoup avec Jean-Jacques Pelletier au SLM 2008 (où il ne publiait rien, alors il avait du temps). Sa façon de voir la vie m'avait vraiment intéressée moi aussi. Sans doute parce que je suis aussi cynique que lui.
Je regrette un peu de ne pas avoir eu la chance de le voir en conférence, mais j'ai déjà parcouru son site internet et il y raconte plusieurs des éléments que tu mentionnes. Notamment, il parle de son processus d'écriture (et du fait qu'il développe ses personnages secondaires comme s'il écrivait une nouvelle au sujet de chacun)
Geneviève Blouin (qui n'est pas à son ordi, alors qui doit rester anonyme :p)
À Isabelle : Il y avait tellement d'éléments à dire! J'ai hâte de voir si Pierre nous livrera aussi ses impressions! Et pour les rencontres de l'hiver, je regarde ça attentivement!
À Frédéric : Ah! Là, je savais que je t'aurais par les sentiments... ;)
À l'anonyme non anonyme (Gen) : J'avoue qu'écrire autant pour élaborer mes personnages me rebute un peu! Mais bon, si c'est le prix à payer pour obtenir un meilleur résultat, je m'y mettrai sûrement un jour... quand je retravaillerai sur un roman!
Je suppose qu'il écrit sur ses personnages secondaires en proportion de la taille de son roman.
Tu vois, pour le roman sur lequel je travaille présentement (et qui fera peut-être 70 000 mots au final), j'ai entre 200 et 500 mots de notes sur chacun de mes personnages.
De mon côté, je n'ai pas tendance à décrire mes personnages dans des textes à côté. J'ai plutôt tendance à les surdévelopper dans le texte en ajoutant plus de détails qu'il n'en faut. Ensuite, je coupe (parfois des chapitres entiers). En général ça marche bien, mais ça laisse parfois la place à des incohérence et un besoin de réécriture. D'un autre côté, ça laisse beaucoup de place à la spontanéité.
Je fais les deux au fond : quand un personnage intervient pour la première fois, je me laisse aller et j'écris tout ce que j'ai à dire sur lui. La différence, c'est que maintenant je me relis aussitôt et je transfère les trop pleins dans un autre document (ou dans ma section "notes", à la fin du document)
J'ai lu le résumé de Isabelle (Carnets de la nuit) et maintenant le tien. Je n'ai plus rien à ajouter. Tout est dit. Beau travail les filles ! C'est vrai qu'on avait l'air de chroniqueurs qui devait remettre leur compte-rendu aux épour le tirage du lendemain. Ca grafignait sur le papier!!!
Et deux filles contre un gars....j'étais foutu d'avance ;) LOL
oops y manquent des mots ...compte-rendus aux rédacteur en chef pour le tirage..
désolé..
À Gen et Frédéric : J'ai essayé la méthode du résumé des personnages, c'est bien pour se retrouver, mais ça n'a pas fonctionné comme je l'espérais. En fait, plus l'histoire avance, plus mes personnages changent et je désespère devant mes fiches, car ces fichus personnages n'agissent pas comme je l'avais prévu au départ... ;)
À Pierre : S'cusez! Pauvre Pierre, on ne t'a rien laissé! (surtout moi, vilaine fille). C'est vrai qu'on était vraiment drôles, avec nos carnets, à prendre des notes comme des malades. On aurait dit des journalistes!
@Isa : Je commence avec un résumé, puis je l'ajuste en cours de route... mais bon, c'est vrai que les personnages agissent jamais comme on voudrait. Je présume que c'est mes années comme maître de jeux de Donjon et Dragon qui m'ont aidée à m'habituer à ça! ;)
Au fait...«Jean-Jacques Pelletier recevait Jean-Jacques Pelletier» (au début de ton compte rendu). J'espérais que quelqu'un le signalerait, mais... :O)
OK, c'est devenu Jean-Jacques Fugère! Lâche-pas, il ne reste plus que le «Jacques» à supprimer! :o) :0) :O)
À Gen : Donjon et Dragon... décidément, tu es pleine de surprises! Fichus personnages... enfin, sans eux, nous ne serions rien!
À Daniel Sernine : Alors là, je me bidonne! Je ne suis pas allée sur mon blogue depuis vingt-quatre heures, donc je n'ai rien changé entre vos deux commentaires! :O) :O) :O) Et en effet, j'avais débaptisé M. Fugère, honte à moi! Merci de la précision et merci de votre visite!
Bonjour ? ....
y'a toujours quelqu'un ?
À Cl monge : Hé oui! Il y a toujours quelqu'un!
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